Pistes & Terre sacrée
Ils sont apparus, comme dans un rêve, au sommet de la dune, à demi cachés par la brume de sable que leurs pieds soulevaient. Lentement ils sont descendus dans la vallée, en suivant la piste presque invisible. En tête de la caravane, il y avait les hommes enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par le voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche. C’étaient des silhouettes alourdies, encombrées par les lourds manteaux, et la peau de leurs bras et de leurs fronts semblait encore plus sombre dans les voiles d’indigo.
Le soleil était encore haut dans le ciel nu, le vent emportait les bruits et les odeurs. La sueur coulait lentement sur le visage des voyageurs, et leur peau sombre avait pris le reflet de l’indigo, sur leurs joues, sur leurs bras, le long de leurs jambes. Les tatouages bleus sur le front des femmes brillaient comme des scarabées. Les yeux noirs, pareils à des gouttes de métal, regardaient à peine l’étendue de sable, cherchaient la trace de la piste entre les vagues de dunes.
Désert J.M.G. Le Clezio
Le ciel est jeune. Le vent dans quelques heures bousculera un désert modelé, pendant des mois, par le vent du nord. Jours de désordre : les dunes, prises de biais, filent leur sable en longues mèches, et chacune se débobine pour se refaire un peu plus loin.
Courrier Sud A. St. Exupery